Le chrétien peut-il manger la viande sacrifiée aux idoles ?

Le chrétien peut-il manger la viande sacrifiée aux idoles ?

Beaucoup de chrétiens se demandent quelle attitude adopter face aux viandes que des groupes religieux sacrifient à leurs divinités et partagent à leurs voisins ou connaissances. Cette question, bien qu’ancienne, reste d’actualité dans un monde marqué par le pluralisme religieux. Le chrétien doit-il consommer ces viandes ou s’en abstenir ? Voici une réflexion éclairée par les Écritures et les enseignements de l’Église.

1. Les viandes sacrifiées aux idoles dans la Bible

La question des aliments n’est pas anodine dans les Écritures. L’Ancien Testament établit une distinction nette entre aliments purs et impurs. Le Lévitique (11, 1-47) énumère une longue liste d’interdictions alimentaires strictement observées par Israël. Ce respect scrupuleux se manifeste dans des récits exemplaires comme celui d’Éléazar, qui préféra mourir que de simuler la consommation de porc interdit (cf. 2 Maccabées 6, 18-31).

Cependant, avec le Christ, un tournant décisif est marqué : « Rien de ce qui entre dans l’homme du dehors ne peut le rendre impur » (Mc 7, 15). Jésus déclare ainsi tous les aliments purs (cf. Mc 7, 19), libérant ses disciples des interdictions alimentaires mosaïques. Cette liberté trouve un écho dans les Actes des Apôtres, lorsque Pierre, dans une vision, refuse de consommer des aliments impurs, mais reçoit cette injonction divine : « Ce que Dieu a déclaré pur, toi, ne le considère pas comme impur » (Ac 10, 15).

Malgré cette ouverture, la question des viandes sacrifiées aux idoles soulève un problème particulier. Ces viandes, offertes dans un cadre religieux, acquièrent une signification qui dépasse leur nature matérielle. Leur consommation devient un acte potentiellement associé à une réalité spirituelle incompatible avec la foi chrétienne.

2. La position du Nouveau Testament

Le Concile de Jérusalem, relaté dans les Actes des Apôtres, traite directement cette question. Face à la controverse sur l’application de la loi mosaïque, les apôtres déclarent : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d’autres obligations, sauf celles-ci : vous abstenir des viandes offertes aux idoles, du sang, des viandes non saignées et des unions illégitimes » (Ac 15, 28-29).

Cette interdiction repose sur une compréhension claire de l’idolâtrie. Pour les chrétiens, une idole est « toute réalité à laquelle l’homme attribue une nature divine » (cf. Catéchisme de l’Église Catholique [CEC], n° 2112-2113). Dieu rappelle dans le Décalogue : « Tu n’auras pas d’autres dieux face à moi » (Ex 20, 2). En conséquence, tout sacrifice offert à une idole est incompatible avec la foi au Dieu unique : « Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre » (Is 45, 5).

L’apôtre Paul, tout en confirmant l’interdiction, apporte des nuances importantes dans ses lettres aux Corinthiens. Il souligne que les idoles n’ont pas d’existence réelle : « Nous savons qu’une idole n’est rien dans le monde et qu’il n’y a de Dieu que le seul » (1 Co 8, 4). Toutefois, il met en garde contre le scandale que pourrait provoquer la consommation de ces viandes chez des croyants plus faibles dans la foi. Ainsi, par amour pour ses frères, Paul affirme : « Si une question d’aliment doit faire tomber mon frère, je ne mangerai plus jamais de viande » (1 Co 8, 13).

3. Enseignements de l’Église catholique

L’Église catholique, fidèle à l’Écriture, met en garde contre toute forme de compromis avec l’idolâtrie. Dans Dei Verbum, le Concile Vatican II enseigne que la révélation divine appelle les croyants à une fidélité totale à Dieu (n° 2). De même, Lumen Gentium rappelle que les chrétiens, en tant que Peuple de Dieu, sont appelés à vivre dans une foi pure, sans concession à des pratiques contraires à leur foi (n° 9).

Cependant, l’Église invite aussi à une distinction entre le cadre religieux et le cadre social. Dans Gaudium et Spes, elle encourage les croyants à vivre en harmonie avec les autres traditions culturelles et religieuses, en respectant leur dignité humaine (n° 92). Cette ouverture ne doit toutefois pas se faire au détriment des exigences de la foi : « Le chrétien doit refuser tout acte qui pourrait être interprété comme une participation à des cultes idolâtriques » (CEC, n° 2114).

4. Différence religieuse et fraternité humaine

Si le chrétien est fermement invité à éviter la consommation de viandes offertes aux idoles dans un contexte religieux, cela ne signifie pas qu’il doit s’abstenir de tout partage avec des croyants d’autres confessions. Le pape François, dans Fratelli Tutti, souligne l’importance de la fraternité universelle et du dialogue interreligieux (n° 271).

Ainsi, lorsque le partage d’un repas se situe dans un cadre purement social, il ne doit pas être refusé au nom de la foi, à condition qu’aucune signification religieuse ne soit attachée à ce repas. Comme l’explique saint Paul : « Mangez tout ce qui se vend au marché sans poser de questions par motif de conscience » (1 Co 10, 25).

En conclusion, la distinction entre le cadre religieux et le cadre social est cruciale pour le discernement chrétien. Si les viandes sacrifiées aux idoles doivent être évitées dans un contexte de culte, le partage fraternel dans un esprit de respect et d’unité humaine est non seulement permis, mais encouragé. En toute chose, la charité et le respect des consciences doivent guider les décisions, dans la fidélité à l’Évangile et aux enseignements de l’Église.

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